Par une ordonnance du 16 janvier 2014, juge des référés du tribunal administratif de Nîmes a suspendu la délibération du 6 novembre 2013 par laquelle le conseil municipal de Bollène a décidé d’adopter une motion relative à l’exercice des fonctions d’officier d’état civil dans le cadre de l’application de la loi du 17 mai 2013 ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe.
Par cette délibération le conseil municipal de Bollène avait pris « acte du fait que le maire et ses adjoints déclarent vouloir faire acte d’objection de conscience dans leur fonction d’officier d’état civil et renoncer à leur pouvoir de représentant de l’Etat en la matière » et décidé « de permettre aux officiers d’état civil de la commune de Bollène, afin d’assurer la continuité du service public de l’état-civil, de revendiquer de monsieur le préfet l’application de l’article L.2122-34 du code général des collectivités territoriales, et pour cela de lui transmettre tout dossier concerné, afin que l’Etat remplisse les obligations auxquelles il est tenu en tant qu’autorité délégante ».
Le préfet de Vaucluse a saisi le tribunal d’une demande tendant à l’annulation de cette délibération et d’une demande tendant à la suspension de son exécution.
Le juge des référés statue uniquement sur cette dernière demande de suspension. Il considère d’abord que le préfet peut déférer au tribunal administratif les actes des communes qu’il estime illégaux alors même qu’ils ne constitueraient que de simples vœux. Il suspend ensuite la délibération en raison d’une part de la méconnaissance de la loi du 17 mai 2013 ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe et des obligations législatives relatives aux attributions des officiers d’état civil et, d’autre part, de la méconnaissance de la portée des dispositions de l’article L.2122-34 du code général des collectivités territoriales. Ces moyens paraissent, en l’état de l’instruction, propres à créer un doute sérieux quant à la légalité de la délibération attaquée.
=> la décision rendue :
TRIBUNAL ADMINISTRATIFDE NÎMESN°1303653___________PREFET DE VAUCLUSE___________Mme HardyJuge des référés___________Ordonnance du 16 janvier 2014__________RÉPUBLIQUE FRANÇAISEAU NOM DU PEUPLE FRANÇAISLe juge des référésVu la requête, enregistrée le 28 décembre 2013 sous le n° 1303653, présentée par le préfet de Vaucluse ; le préfet de Vaucluse demande au juge des référés d’ordonner la suspension de la délibération du 6 novembre 2013 par laquelle le conseil municipal de Bollène a décidé d’adopter une motion relative à l’exercice des fonctions d’officier d’état civil ;il soutient que la délibération constitue une véritable prise de décision ; qu’elle est illégale dès lors que dans sa décision du 18 octobre 2013 le Conseil Constitutionnel a écarté la possibilité pour un officier d’état civil de recourir à la « clause de conscience », qu’ainsi la délibération méconnaît les dispositions de la loi du 17 mai 2013 qui n’a pas prévu une telle clause ; que la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme du 15 janvier 2013 servant également de fondement à la délibération litigieuse n’est pas applicable en l’espèce ; que le maire et ses adjoints sont tenus de procéder à la célébration des mariages sans pouvoir opposer une objection de conscience ; qu’enfin si le maire et ses adjoints se trouvaient, pour un motif autre que l’objection de conscience, empêchés de procéder à la célébration d’un mariage, cette situation est régie par les dispositions de l’article L.2122-18 du code général des collectivités territoriales ;Vu la décision attaquée ;Vu le mémoire en défense, enregistré le 3 janvier 2014, présenté par la commune de Bollène qui conclut au rejet de la requête ; elle fait valoir que la requête est irrecevable, qu’en effet la délibération contestée constitue une déclaration d’intention, un voeu qui ne revêt pas un caractère exécutoire ; qu’il n’existe aucune urgence ; qu’à supposer que la délibération présente le caractère d’une décision, elle est destinée à assurer la continuité du service public et à prévoir une bonne organisation des services ; que si aucun élu n’officie, le préfet a compétence liée pour y procéder en application de l’article L.2122-34 du code général des collectivités territoriales ;Vu le mémoire, enregistré le 16 janvier 2014, présenté par le préfet de Vaucluse qui maintient ses conclusions et moyens ;il soutient en outre que la requête est recevable dès lors que la délibération litigieuse a un caractère décisionnel ; que le conseil municipal est incompétent pour prendre une décision relative aux fonctions d’officier d’état civil dès lors que ces fonctions sont exercées au nom de l’Etat ; que les dispositions de l’article L.2122-34 du code général des collectivités territoriales ne sont pas applicables en matière de célébration des mariages ;N°1303653 2Vu le mémoire, enregistré le 16 janvier 2014, présenté par la commune de Bollène qui maintient ses conclusions et moyens, qu’elle précise ;Vu les autres pièces du dossier ;Vu le code civil ;Vu le code général des collectivités territoriales ;Vu la loi n° 2013-404 du 17 mai 2013 ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe ;Vu la décision n° 2013-353 QPC du 18 octobre 2013 du Conseil Constitutionnel ;Vu le code de justice administrative ;Vu le déféré numéro 1303629 enregistré le 24 décembre 2013 par lequel le préfet de Vaucluse demande l’annulation de la délibération du 6 novembre 2013 ;Vu la décision en date du 18 août 2013, par laquelle le président du tribunal a désigné Mme Hardy, vice président, pour statuer sur les demandes de référé ;Après avoir convoqué à une audience publique :- le préfet de Vaucluse;- la commune de Bollène;Vu le procès-verbal de l’audience publique du 16 janvier 2014 à 14 heures au cours de laquelle ont été entendus :- le rapport de Mme Hardy, juge des référés ;- les observations de Mme K pour le préfet de Vaucluse;- les observations de Mme G pour la commune de Bollène ;Après avoir prononcé, à l’issue de l’audience à 14 heures 30, la clôture de l’instruction ;1. Considérant que le préfet de Vaucluse demande au juge des référés d’ordonner la suspension de la délibération du 6 novembre 2013 par laquelle le conseil municipal de Bollène a décidé d’adopter une motion relative à l’exercice des fonctions d’officier d’état civil ;Sur la recevabilité :2. Considérant qu’aux termes de l’article L. 2131-6 du code général des collectivités territoriales : « Le représentant de l'Etat dans le département défère au tribunal administratif les actes mentionnés à l'article L. 2131-2 qu'il estime contraires à la légalité dans les deux mois suivant leur transmission (…) » ; qu'aux termes de l'article L. 554-1 du code de justice administrative : « Les demandes de suspension assortissant les requêtes du représentant de l’Etat dirigées contre les actes des collectivités locales sont régies par le 3e alinéa de l’article L. 2131-6 du code général des collectivités territoriales ci-après reproduit : Article L. 2131-6 alinéa 3- Le représentant de l’Etat dans le département peut assortir son recours d’une demande de suspension. Il est fait droit à cette demande si l'un des moyens invoqués paraît, en l'état de l'instruction, propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de l’acte attaqué...» ;N°1303653 33. Considérant que par sa délibération du 6 novembre 2013 le conseil municipal de Bollène a décidé, d’une part, « de prendre acte du fait que le maire et ses adjoints déclarent vouloir faire acte d’objection de conscience dans leur fonction d’officier d’état civil et renoncer à leur pouvoir de représentant de l’Etat en la matière » et, d’autre part, « de permettre aux officiers d’état civil de la commune de Bollène, afin d’assurer la continuité du service public de l’état civil, de revendiquer de monsieur le préfet l’application de l’article L.2122-34 du code général des collectivités territoriales, et pour cela de lui transmettre tout dossier concerné, afin que l’Etat remplisse les obligations auxquelles il est tenu en tant qu’autorité délégante » ; que si la commune de Bollène soutient que cette délibération constitue un simple voeu insusceptible de faire l’objet d’un recours devant le juge de l’excès de pouvoir, les dispositions précitées de l’article L.2131-6 du code général des collectivités territoriales permettent toutefois au préfet de déférer au tribunal administratif les actes des communes,mentionnés à l'article L. 2131-2 dudit code, qu’il estime contraires à la légalité alors même qu’ils ne constitueraient que de simples voeux ; que la délibération litigieuse figure au nombre des actes mentionnés à l’article L.2131-2 du code général des collectivités territoriales ; que, par suite, la fin de non recevoir opposée par la commune de Bollène doit être écartée ;Sur la demande de suspension :4. Considérant qu’il résulte des dispositions précitées de l’article L. 2131-6 du code général des collectivités territoriales que les demandes de suspension présentées par le représentant de l’Etat en application de cet article ne sont pas subordonnées à une condition d’urgence ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la condition d’urgence ne serait pas remplie doit être écarté ;5. Considérant que les moyens tirés, d’une part, de la méconnaissance de la loi du 17 mai 2013 et des obligations législatives relatives aux attributions des officiers d’état civil et, d’autre part, de la méconnaissance de la portée des dispositions de l’article L.2122-34 du code général des collectivités territoriales paraissent, en l’état de l’instruction, propres à créer un doute sérieux quant à la légalité de la délibération attaquée ; que, par suite, il y a lieu de prononcer la suspension de l’exécution de cette délibération ;O R D O N N EArticle 1er : L’exécution de la délibération du 6 novembre 2013 du conseil municipal de la commune de Bollène est suspendue.Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée au préfet de Vaucluse et à la commune de Bollène.Fait à Nîmes, le 16 janvier 2014.N°1303653 4Le juge des référés,M.Hardy