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7 juin 2018

Jugement du 7 juin 2018 – ONIAM

Vu la procédure suivante :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 21 juillet 2016 et 8 mars 2018, l’office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, représenté par la SELARL de la Grange et Fitoussi Avocats, demande au tribunal :
1) de condamner le centre hospitalier de Carpentras et son assureur, la société hospitalière d’assurance mutuelle (SHAM), à lui rembourser la somme de 173 456,44 euros qu’il a versée à M. M en réparation des préjudices subis par ce dernier ;
2) de condamner le centre hospitalier de Carpentras et la SHAM à lui verser la somme de 13 009,33 euros au titre de l’article L. 1142-15 du code de la santé publique ;
3) de condamner le centre hospitalier de Carpentras et la SHAM à lui rembourser les frais liés aux expertises ordonnées par la commission régionale de conciliation et d’indemnisation, s’élevant à 1 050 euros ;
4) d’assortir les condamnations prononcées des intérêts au taux légal courant depuis la date de réception de la demande préalable d’indemnisation ;
5) de mettre à la charge du centre hospitalier de Carpentras une somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- M. M a été pris en charge par le service des urgences du centre hospitalier à la suite d’un accident de circulation, au plus tard à 9h du matin le 29 novembre 2007 ; les signes d’ischémie de la jambe droite qu’il a très rapidement présentés ont été négligés et n’ont pas été identifiés par l’urgentiste qui a orienté son patient vers un chirurgien orthopédiste de la polyclinique Synergia, avec laquelle l’hôpital est groupé, pour la prise en charge d’une fracture, et non vers un chirurgien vasculaire ; le chirurgien orthopédiste, non informé de ces difficultés, a accepté de prendre en charge le patient à la fin de son programme opératoire, à 11h15 ; s’il a alors diagnostiqué l’ischémie, celle-ci n’a été prise en charge par un chirurgien vasculaire qu’à 13h ; le retard dans le diagnostic et la transmission d’informations est à l’origine d’une perte de chance de 99% d’éviter l’amputation de la jambe ;
- aucune faute n’est relevée dans la prise en charge chirurgicale ;
- en tout état de cause, il est fondé à rechercher la responsabilité du centre hospitalier à raison de l’ensemble des dommages, à charge pour ce dernier d’exercer une action en garantie devant le juge judiciaire ;
- il doit être remboursé des sommes versées à M. M au titre des frais de conseil, des dépenses de santé futures, des frais d’assistance par tierce personne, du déficit fonctionnel temporaire et permanent, du préjudice scolaire, de l’incidence professionnelle du dommage, du préjudice esthétique temporaire et permanent, des souffrances endurées, du préjudice d’agrément et du préjudice sexuel ;
- les conditions d’application du 4ème alinéa de l’article L. 1142-15 du code de la santé publique sont réunies, d’autant que l’existence de fautes n’est pas contesté ;
- il a droit au remboursement des frais d’expertise.
Par des mémoires, enregistrés les 16 septembre 2016, 10 mars 2017, 11 juillet 2017 et 19 mars 2018, la caisse de la mutualité sociale agricole Alpes-Vaucluse, représentée par Me Möller, demande au tribunal de condamner le centre hospitalier de Carpentras et la SHAM à lui rembourser la somme de 338 783,52 euros au titre des prestations servies à M. M et de mettre à leur charge une somme de 1 055 euros au titre de l’indemnité forfaitaire de gestion ainsi qu’une somme de 2 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que la responsabilité du centre hospitalier est engagée, qu’elle est subrogée dans les droits de la victime en application de l’article L. 376-1 du code de la sécurité sociale et que l’attestation d’imputabilité versée au dossier établit le lien de causalité entre les dépenses et les fautes commises.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 10 février 2017, 5 juillet 2017 et 8 mars 2018, le centre hospitalier de Carpentras et la SHAM, représentés par la SCP Philippe Grillon, concluent à ce que les sommes allouées à l’office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales soient limitées à 30 599,12 euros et à ce que les conclusions de la caisse de la mutualité sociale agricole soient rejetées. Ils demandent également que la somme allouée à l’office au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative soit fixée à de plus justes proportions.
Ils soutiennent que :
- l’office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales ne saurait leur demander de rembourser des sommes qu’il a versées à M. M au titre d’un protocole transactionnel distinct de celui qui concerne le centre hospitalier, correspondant à la part de responsabilité de la polyclinique Synergia ;
- la part de responsabilité qui lui incombe dans la perte de chance ne saurait excéder 30% ;
- les dépenses de santé futures et le préjudice scolaire ne sont pas justifiés, tandis que les autres postes de préjudice ont été surévalués ;
- dès lors qu’il y avait un motif légitime de ne pas suivre l’avis de la commission régionale de conciliation et d’indemnisation, il ne saurait être fait application de l’article L. 1142-15 du code de la santé publique ;
- la caisse de la mutualité sociale agricole ne distingue pas les dépenses liées à l’accident de circulation de celles liées aux complications induites par les fautes reprochées au centre hospitalier, l’attestation d’imputabilité étant peu probante.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de la sécurité sociale ;
- le code rural et de la pêche maritime ;
- l’arrêté du 20 décembre 2017 relatif aux montants de l’indemnité forfaitaire de gestion prévue aux articles L. 376-1 et L. 454-1 du code de la sécurité sociale ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l’audience publique :
- le rapport de Mme Poullain,
- les conclusions de M. L’hôte, rapporteur public,
- et les observations de Me Grillon, représentant le centre hospitalier de Carpentras et la SHAM.
Considérant ce qui suit :
1. Le 29 novembre 2007 à 8h00 du matin, M. M, alors âgé de 17 ans, a été victime d’un accident alors qu’il circulait à moto. Il a été transporté par les services de secours au centre hospitalier de Carpentras. Le médecin urgentiste l’ayant alors examiné a diagnostiqué un traumatisme du fémur droit avec rétrécissement du membre et augmentation du volume de la cuisse, ainsi qu’un traumatisme du poignet gauche avec déformation, et après bilan radiologique confirmant la présence de fractures, a demandé vers 10h00 le transfert du patient à la polyclinique Synergia, attenante au centre hospitalier, en vue d’une intervention de chirurgie orthopédique. Le chirurgien de la polyclinique, qui s’est déplacé aux urgences pour examiner M. M vers 11h15, a diagnostiqué, en sus des fractures, une ischémie de la jambe droite, et a en conséquence sollicité l’intervention de son collègue chirurgien vasculaire d’astreinte. Les deux chirurgiens ont pris en charge M. M au bloc opératoire à partir de 13h00. Après angiographie permettant de diagnostiquer la section de l’artère fémorale et tentative infructueuse de cathétérisme, ils ont décidé de procéder dans un premier temps à l’ostéosynthèse de la fracture et de n’effectuer que dans un second temps la revascularisation par pontage. L’intervention orthopédique ayant été plus longue qu’envisagé initialement, le syndrome d’ischémie n’a finalement été levé qu’à 22h00, soit 14 heures après l’accident. M. M a ensuite été transféré au centre hospitalier universitaire de Nîmes pour la prise en charge des complications de cette ischémie. Malgré les soins qui lui ont été prodigués dans cet établissement, il a dû, le 17 janvier 2018, être amputé au tiers proximal de la jambe.
2. Estimant que des fautes avaient été commises dans sa prise en charge, M. M a saisi la commission régionale de conciliation et d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales en vue d’un règlement amiable du litige. Par ses avis rendus les 27 janvier et 22 septembre 2010, la commission a estimé qu’un « défaut d’organisation du service relevé tant au centre hospitalier de Carpentras qu’à la polyclinique Synergia, sont à l’origine d’une perte de chance évaluée à 99% pour M. M et ouvrent droit à la réparation des préjudices qui en découlent à concurrence chacun de 50% des dommages qui en résultent ». La société hospitalière d’assurance mutuelle (SHAM), assureur du centre hospitalier, tout comme la société MMA, assureur de la polyclinique, ayant refusé d’indemniser M. M, l’office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales a procédé à l’indemnisation de l’intéressé suivant quatre protocoles d’indemnisation transactionnelle des 10 octobre 2010 et 7 janvier 2013. Par la présente instance, l’office entend exercer à l’encontre du centre hospitalier et de son assureur, pour l’entièreté des dommages, l’action subrogatoire prévue à l’article 1142-15 du code de la santé publique.
Sur les responsabilités :
3. Aux termes du 1er alinéa du I de l’article L. 1142-1 du code de la santé publique : « Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. ». Dans le cas où la faute commise lors de la prise en charge ou du traitement d’un patient dans un établissement public hospitalier a compromis ses chances d’obtenir une amélioration de son état de santé ou d’échapper à son aggravation, le préjudice résultant directement de la faute commise par l’établissement et qui doit être intégralement réparé n’est pas le dommage corporel constaté, mais la perte de chance d’éviter que ce dommage soit advenu. La réparation qui incombe à l’hôpital doit alors être évaluée à une fraction du dommage corporel déterminée en fonction de l’ampleur de la chance perdue.
4. Il résulte de l’instruction, et notamment du rapport de l’expertise prescrite par la commission régionale de conciliation et d’indemnisation, que l’urgentiste ayant pris en charge M. M au sein du centre hospitalier a relevé, sur le document informatique de synthèse, « A l’évolution : troubles sensitivo moteurs et trophiques de la jambe avec disparition des pouls. Augmentation importante de volume de la cuisse ». Ces symptômes, qui correspondaient à une ischémie aigue du membre et caractérisaient une urgence chirurgicale, sont apparus vraisemblablement vers 10h00. L’expert relève que si l’axe vasculaire avait été rétabli dans les six premières heures suivant la rupture, ce qui était en principe possible eu égard à la rapidité d’apparition des symptômes d’ischémie, le risque d’amputation aurait été quasi-nul. Le risque a en revanche été majeur, et est advenu, dès lors que cette revascularisation n’a pu en réalité être obtenue qu’à 22h00, soit quatorze heures après l’accident. Ce retard global de traitement, de huit heures au total, doit être regardé comme étant à l’origine d’une perte totale de chance d’éviter l’amputation et les complications qui en sont résultées.
5. Bien que relevés vers 10h00 vraisemblablement ainsi qu’il vient d’être mentionné, les symptômes d’ischémie n’ont pas été signalés au chirurgien orthopédique de la polyclinique Synergia, ni lorsqu’il a été sollicité à cette même heure pour une intervention, ni dans l’intervalle entre cette sollicitation et son déplacement au sein du service des urgences à l’issue de son programme opératoire, vers 11h15. Ce n’est ainsi qu’à l’occasion de ce déplacement qu’il a pris connaissance de l’ischémie de la jambe droite, et a en conséquence sollicité l’intervention de son collègue chirurgien vasculaire. La défaillance dont a ainsi fait preuve l’urgentiste dans la transmission d’information est constitutive d’une faute de nature à engager la responsabilité du centre hospitalier. Il n’en est toutefois, résulté, au plus, compte-tenu des éléments qui viennent d’être mentionnés, qu’un retard d’une heure et quart dans la prise en charge du syndrome d’ischémie, lequel ne peut, eu égard à ce qui a été exposé au point ci-dessus, être regardé comme portant en lui normalement le dommage, mais seulement une part de la perte de chance de l’éviter.
6. Malgré un diagnostic obtenu vers 11h15, M. M n’a été pris en charge au bloc opératoire par les deux chirurgiens de la polyclinique que vers 13h00. Ce délai, anormalement long, traduit un défaut d’organisation du service. En outre, après qu’une angiographie et une tentative de cathétérisme aient été effectuées, les chirurgiens ont choisi de stabiliser la fracture en premier lieu, selon une technique à la fois moins rapide que d’autres existantes, et ne permettant pas au chirurgien vasculaire d’intervenir en cas de prolongation de l’opération orthopédique. Ce choix, que l’expert estime, de façon générale, envisageable à condition d’obtenir une stabilisation rapide de la fracture et lorsque le temps d’ischémie n’est pas trop prolongé, n’était en l’espèce, comme il l’indique, « pas le plus prudent ». Il n’a permis le début de la chirurgie de revascularisation que vers 20h00 et doit, eu égard au temps écoulé depuis l’accident à l’heure où il a été effectué, être également regardé comme fautif. Dès lors, le surplus du retard global de traitement, soit six heures et quarante-cinq minutes, doit être regardé comme imputable à des fautes commises par les services de la polyclinique.
7. En application de l’article L. 1142-15 du code de la santé publique, lorsque l’assureur de la personne dont la commission régionale de conciliation et d’indemnisation estime la responsabilité engagée refuse de faire une offre d’indemnisation à la victime, l’office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales s’y substitue. Le 4ème alinéa de l’article précise que « L'office est subrogé, à concurrence des sommes versées, dans les droits de la victime contre la personne responsable du dommage (…) ». Il ne résulte pas de ces dispositions que, lorsque la commission régionale de conciliation et d’indemnisation a estimé que la responsabilité de deux établissements de santé était engagée et que l’office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales a indemnisé la victime conformément à cet avis, l’office serait tenu, pour l’exercice de son action subrogatoire, par le partage de responsabilité effectué par la commission.
8. Il ressort en l’espèce des pièces du dossier que la polyclinique Synergia était, aux termes d’un contrat conclu au cours du mois de janvier 1999, concessionnaire pour l’exécution du service public hospitalier chirurgical et liée par une convention d’association au centre hospitalier de Carpentras, dont elle devait, dans un cadre coordonné, prendre en charge les patients accueillis par l’unité de proximité, d’accueil, de traitement et d’orientation des urgences et relevant d’une prise en charge chirurgicale. Eu égard à la collaboration étroite ainsi organisée entre ces services, l’office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, venant aux droits de M. M, est fondé à rechercher la responsabilité du centre hospitalier à raison de l’ensemble des fautes ainsi commises à l’occasion de sa prise en charge par les deux établissements, sans préjudice de l’appel en garantie que l’établissement public peut former à l’encontre de la polyclinique. Ainsi qu’il a été dit au point précédent, la circonstance que l’office a indemnisé M. M, pour moitié, en se substituant, suite à l’avis de la commission régionale de conciliation et d’indemnisation, à l’assureur de la polyclinique, n’y fait pas obstacle, d’autant moins que les protocoles indemnitaires signés par la victime précisent que l’établissement dispose d’une action subrogatoire « contre tout responsable des dommages ».
9. Il résulte de ce qui précède qu’il y a lieu de condamner solidairement le centre hospitalier et son assureur à rembourser l’office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales et la caisse de la mutualité sociale agricole des sommes versées ou prestations servies à M. M en réparation de ses préjudices.
Sur les préjudices :
10. Lorsqu’il procède à l’évaluation des préjudices subis afin de fixer le montant des indemnités dues à l’ONIAM subrogé dans des droits de la victime en application des dispositions de l’article L. 1142-15, le juge n’est pas lié par le contenu de la transaction intervenue entre l’ONIAM et la victime. L’ONIAM ne saurait, toutefois, pour chaque chef de préjudice, obtenir un montant supérieur à celui qu’il a versé à la victime. En l’espèce, il limite effectivement sa demande, pour chaque poste, au montant qu’il a alloué à M. M.
S’agissant des préjudices actuels :
11. La caisse de la mutualité sociale agricole fait valoir qu’elle a exposé, en lien avec les fautes commises, des frais d’hospitalisation, médicaux, de soins, pharmaceutiques, de transport, et de matériel, jusqu’à consolidation le 15 mars 2010, à hauteur de 65 366,71 euros, et produit en ce sens une attestation d’imputabilité établie par le médecin conseil. Les frais dits « SMUR » en date du 30 novembre, correspondant au transfert de M. M au centre hospitalier universitaire de Nîmes doivent être retenus. Toutefois, ainsi que le relève le centre hospitalier et que l’admet la caisse elle-même, les frais d’hospitalisation initiaux, exposés du 29 au 30 novembre 2007 à hauteur de la somme de 2 372,94 euros, ne peuvent être regardés comme imputables aux fautes commises. Pareillement, des frais auraient nécessairement dû être exposés ultérieurement pour le rétablissement de M. M qui, outre la fracture du fémur avec plaie vasculaire dont il souffrait, présentait également une fracture du poignet. Ceux-ci feront l’objet d’une juste évaluation à hauteur de la somme globale de 10 000 euros. Le centre hospitalier et la SHAM doivent dès lors être condamnés à rembourser la caisse de la mutualité sociale agricole la somme totale de 52 993,77 euros.
12. M. M a dû recourir à une tierce personne pour l’aider à la réalisation des gestes de la vie quotidienne, à raison de deux heures par jour du 24 mai 2008 au 15 décembre 2009, soit 570 jours. Ainsi, le nombre d’heures d’assistance à domicile peut être évalué à 1 140. Compte-tenu du salaire minimum sur la période concernée, justement évalué, en prenant en compte les charges sociales et congés payés correspondants, à la somme de 12 euros de l’heure, il y a lieu d’allouer à l’office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales la somme de 11 709,30 euros qu’il demande à ce titre.
13. Il n’est pas contesté que l’office a versé à M. M une somme de 700 euros au titre de frais d’assistance exposés au cours de la procédure amiable. Il y a lieu de le rembourser de cette dépense.
14. L’office a également indemnisé l’incidence scolaire qu’avait eu l’accident pour M. M, à hauteur de la somme totale de 7 623 euros. L’intéressé a en effet perdu l’intégralité de l’année scolaire 2007-2008, alors qu’il se destinait à passer un bac professionnel travaux paysagers et que son accident n’aurait en lui-même impliqué qu’une interruption de trois mois. Il y a lieu d’allouer à l’établissement la somme demandée à ce titre.
S’agissant des préjudices futurs :
Quant aux dépenses de santé :
15. La caisse de la mutualité sociale agricole sollicite le remboursement de frais futurs à hauteur d’une somme forfaitaire de 21 717 euros. La caisse devra effectivement, de façon certaine, engager des frais pour l’appareillage de M. M qui devra être renouvelé, ainsi que pour son suivi médical, en lien avec cette amputation. Toutefois, eu égard aux dispositions de l’article L. 376-1 du code de la sécurité sociale qui limitent le recours subrogatoire des caisses de sécurité sociale à l’encontre du responsable d’un accident corporel aux préjudices qu’elles ont pris en charge, le remboursement des prestations qu’une caisse sera amenée à verser à l’avenir, de manière certaine, ne peut être mis à la charge du responsable sous la forme du versement immédiat d’un capital représentatif qu’avec son accord. Aussi, en l’absence d’accord exprès du centre hospitalier pour un versement sous forme de capital, les défenderesses doivent seulement être condamnées à rembourser la caisse des dépenses de santé exposées à compter du 15 mars 2010, sur présentation de justificatifs.
16. L’office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales expose pour sa part qu’il a versé à M. M une somme de 10 780,72 euros au titre des frais futurs qui resteront à sa charge pour le renouvellement de sa prothèse. Selon l’établissement, le montant annuel de cette dépense, qui n’est pas contesté, s’élève à la somme de 402,44 euros. A la date de sa consolidation, M. M, était âgé de presque 20 ans. Ainsi, son préjudice capitalisé peut être évalué, compte-tenu de l’espérance de vie masculine et des taux d’intérêts, en retenant un coefficient de capitalisation de 42,477, à 17 094,44 euros. Il y a dès lors lieu d’allouer à l’office la somme de 10 780,72 euros qu’il demande à ce titre.
Quant à l’incidence professionnelle du dommage :
17. D’une part, en application des dispositions de l’article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, le juge saisi d’un recours de la victime d’un dommage corporel ou d’un recours de l’office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, subrogé dans les droits de la victime en application de l’article L. 1142-15 du code de la santé publique, et du recours subrogatoire d’un organisme de sécurité sociale doit, pour chacun des postes de préjudices, déterminer le montant du préjudice en précisant la part qui a été réparée par des prestations de sécurité sociale et celle qui est demeurée à la charge de la victime. Il lui appartient ensuite de fixer l’indemnité mise à la charge de l’auteur du dommage au titre du poste de préjudice en tenant compte, s’il a été décidé, du partage de responsabilité avec la victime. Le juge doit allouer cette indemnité à la victime ou à l’office, subrogé dans ses droits, dans la limite de la part du poste de préjudice qui n’a pas été réparée par des prestations, le solde, s’il existe, étant alloué à l’organisme de sécurité sociale.
18. D’autre part, la rente d’accident du travail prévue par l’article L. 431-1 du code de la sécurité sociale, rendu applicable aux salariés des professions agricoles par l’article L. 751-8 du code rural et de la pêche maritime, et la rente d’accident du travail servie aux non-salariés agricoles sur le fondement de l’article L. 752-6 de ce code doivent, en raison de la finalité de réparation d’une incapacité permanente de travail qui leur est assignée par les dispositions qui les instituent et de leur mode de calcul, appliquant le taux d’incapacité permanente au salaire de référence défini par l’article L. 434-2 du code de la sécurité sociale ou au gain forfaitaire annuel mentionné à l’article L. 752-5 du code rural et de la pêche maritime, être regardées comme ayant pour objet exclusif de réparer, sur une base forfaitaire, les préjudices subis par la victime dans sa vie professionnelle en conséquence de l’accident, c’est-à-dire ses pertes de revenus
professionnels et l’incidence professionnelle de son incapacité. Dès lors, le recours exercé par une caisse de sécurité sociale au titre d’une telle rente ne saurait s’exercer que sur ces deux postes de préjudice.
19. Si M. M a dû, à la suite de son amputation, envisager différemment son avenir professionnel, il est resté dans le même secteur d’activité, en augmentant son niveau de qualification afin d’occuper un emploi moins physique que celui de jardinier paysagiste qu’il envisageait et a obtenu un brevet de technicien supérieur architecte paysager. Il subit néanmoins, du fait de son handicap, une pénibilité et une fragilité au travail. L’incidence professionnelle du dommage fera dès lors l’objet d’une juste évaluation en retenant une somme de 20 000 euros.
20. La caisse de la mutualité sociale agricole demande le remboursement d’une rente d’accident du travail, à hauteur de la somme totale 251 699,82 euros. Il ressort des documents qu’elle produit qu’elle verse à cet égard à M. M, depuis le 15 mars 2010, une somme annuelle de 11 167,55 euros. Le préjudice de M. M ayant ainsi, à ce jour, été intégralement réparé par cette rente, la somme de 20 000 euros devra être versée à la caisse de la mutualité sociale agricole et la demande présentée par l’office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales au titre de ce chef de préjudice ne pourra qu’être rejetée.
En ce qui concerne les préjudices personnels :
S’agissant des préjudices actuels :
21. M. M a subi un déficit fonctionnel total correspondant à son hospitalisation du 29 novembre 2007 au 24 mai 2008, du 14 au 18 mars 2009 et le 16 décembre 2009, soit durant 184 jours. Il a subi un déficit fonctionnel partiel, évalué par l’expert à 50% du 25 mai 2008 au 15 décembre 2009, hors période d’hospitalisation, soit durant 565 jours, et à 35% du 17 décembre 2009 au 15 mars 2010, soit durant 89 jours. En l’absence des fautes commises, il aurait subi, une période d’un mois et un jour de déficit total, de cinq mois de déficit partiel évalué à 50% et d’un mois de déficit partiel évalué à 10%. Le préjudice indemnisable sera dès lors justement fixé à la somme de 6 500 euros. Il y a ainsi lieu d’allouer à l’office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales la somme de 5 808,58 euros qu’il demande à ce titre.
22. Les souffrances endurées par M. M ont été évaluées à 6 sur une échelle de 7. Le préjudice en résultant peut être fixé à la somme de 27 000 euros. Elles seront dès lors indemnisées à hauteur de la somme de 17 820 euros demandée par l’établissement.
23. L’expert retient un préjudice esthétique temporaire dès lors que M. M a dû marcher avec un fixateur externe de fémur jusqu’au 16 décembre 2009. Ce poste de préjudice, eu égard à l’âge de M. M, sera indemnisé à hauteur de la somme de 2 970 euros demandée.
S’agissant des préjudices permanents :
24. Le déficit fonctionnel permanent dont demeure atteint M. M a été évalué par l’expert à 30%. Eu égard à son âge à la date de consolidation, il peut être justement fixé à la somme de 68 000 euros. Il y a dès lors lieu d’allouer à l’office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales la somme de 57 634,84 euros qu’il demande à ce titre.
25. M. M, amputé de la jambe, présente également une cicatrice pectorale de 9 cm en lien avec la prise en charge fautive. Son préjudice esthétique a été évalué par l’expert à 5 sur une échelle de 7 et peut être justement fixé à la somme de 15 500 euros. Le centre hospitalier et son assureur seront dès lors condamnés à verser la somme de 14 355 euros que l’office demande à cet égard.
26. Il n’est en revanche pas justifié d’un préjudice d’agrément spécifique qui imposerait une indemnisation distincte de celle allouée au titre du déficit fonctionnel permanent. La demande présentée à ce titre ne peut qu’être rejetée.
27. Un préjudice sexuel modéré, en lien avec l’amputation et le handicap que M. M présente, peut être retenu à hauteur de la somme de 6 930 euros demandée.
Sur le total des indemnisations :
28. Il résulte de tout ce qui précède qu’il y a lieu de condamner solidairement le centre hospitalier de Carpentras et la SHAM à verser à la caisse de la mutualité sociale agricole Alpes-Vaucluse la somme totale de 72 993,77 euros ainsi qu’à lui rembourser, sur justificatifs, les dépenses de santé exposées à compter du 15 mars 2010 et postérieurement au présent jugement, conformément aux motifs exposés ci-dessus au point 15. Il y a également lieu de les condamner solidairement à payer la somme totale de 136 331,44 euros à l’office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales au titre des indemnisations versées à M. M.
Sur les frais d’expertise :
29. L’office justifie avoir supporté les frais de 1'expertise diligentée dans le cadre de la procédure de règlement amiable devant la commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales pour un montant de 1 050 euros. Il y a lieu de laisser ces frais, non contestés par les défenderesses, à leur charge.
Sur la pénalité prévue par les dispositions de l’article L. 1142-15 du code de la santé publique :
30. Aux termes du cinquième alinéa de l'article L. 1142-15 du code de la santé publique : « En cas de silence ou de refus explicite de la part de l'assureur de faire une offre, ou lorsque le responsable des dommages n'est pas assuré, le juge, saisi dans le cadre de la subrogation, condamne, le cas échéant, l'assureur ou le responsable à verser à l'office une somme au plus égale à 15 % de l'indemnité qu'il alloue. ».
31. L’assureur du centre hospitalier a refusé de faire une offre d’indemnisation à M. M alors que l’expert missionné par la commission régionale de conciliation et d’indemnisation avait considéré que ses services avaient commis une faute, ce qui n’était pas contesté. Par suite, l’office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales peut prétendre à l’indemnité prévue à l’article L. 1142-15 du code de la santé publique. Dans les circonstances particulières de l’espèce, eu égard à l’intervention de services relevant d’établissements différents, il y a lieu toutefois de limiter la condamnation mise à ce titre solidairement à la charge du centre hospitalier et de son assureur à une somme égale à 5% de la somme de 136 331,44 euros, soit 6 816,57 euros.
Sur les intérêts :
32. L'Office national d'indemnisation des accidents médicaux a droit aux intérêts au taux légal sur les sommes de 136 331,44 euros et 1 050 euros, courant à compter du 22 juin 2016, date de réception par le centre hospitalier de sa réclamation préalable. En revanche, dès lors que les intérêts moratoires n’ont pour objet que de compenser le retard au paiement d’une dette, l’office n’a pas droit aux intérêts sur l’indemnité allouée au terme du point 31 ci-dessus, qui ne sera exigible qu’à la date de notification au centre hospitalier et à son assureur du présent jugement.
Sur l’indemnité forfaitaire de gestion :
33. Il y a lieu d’allouer à la caisse primaire d’assurance maladie la somme de 1 066 euros au titre de l’indemnité forfaitaire de gestion.
Sur les conclusions à fin d’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :
34. Il y a lieu de faire application de ces dispositions et, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge du centre hospitalier de Carpentras et de son assureur une somme de 1 200 euros au bénéfice tant de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux d’une part, que de la caisse de la mutualité sociale agricole Alpes-Vaucluse d’autre part, au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : Le centre hospitalier de Carpentras et la SHAM sont condamnés solidairement à verser à l’office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales la somme de totale de 144 198,01 euros, dont 137 381,44 portant intérêt au taux légal à compter du 22 juin 2016.
Article 2 : Le centre hospitalier de Carpentras et la SHAM sont condamnés solidairement à verser à la caisse de la mutualité sociale agricole Alpes-Vaucluse la somme totale de 74 059,77 euros, ainsi qu’à lui rembourser, sur justificatifs, les dépenses de santé exposées à compter du 15 mars 2010 et postérieurement au présent jugement, conformément aux motifs exposés ci-dessus au point 15.
Article 3 : Le centre hospitalier de Carpentras et la SHAM verseront solidairement à l’office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, d’une part, et à la caisse de la mutualité sociale agricole Alpes-Vaucluse, d’autre part, la somme de 1 200 euros au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 5 : Le présent jugement sera notifié à l’office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, au centre hospitalier de Carpentras, à la société hospitalière d'assurance mutuelle et à la caisse de la mutualité sociale agricole Alpes-Vaucluse.

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